Le soleil brillait haut et fort, répandant généreusement sa chaleur sur la terre – ajoutant celle-ci à celle qui régnait déjà dans le désert, ce dont Anya se serait bien passée. La native de Frimapic n’avait jamais aimé la chaleur, après tout, trop habituée peut-être aux climats rigoureux du nord de Sinnoh pour réellement supporter des températures trop clémentes, quand bien même elle n’y retournait plus qu’occasionnellement depuis quelques années. Presque une dizaine d’années en fait, mais peu importait. Bien sûr elle s’était préparée pour cette sortie ; une expédition dans un désert ne s’improvisait pas, même si celui-ci était artificiel et présentait donc en théorie moins de risques qu’un désert normal. Elle sentait la sueur ruisseler sur son front malgré l’heure matinale ; pour la énième fois depuis qu’elle était arrivée en ce lieu, repoussa une mèche de cheveux qui lui collait au visage. Avant de boire une nouvelle gorgée d’eau, faisant un réel effort de volonté pour ne pas vider sa gourde d’un trait – et pourtant, ce n’était pas faute d’en avoir envie. Mais il fallait être raisonnable et économiser au maximum le précieux liquide. Elle pouvait néanmoins s’estimer heureuse de posséder un pokémon aquatique pour remplir à nouveau sa gourde quand celle-ci serait à sec.

Elle se reprit juste à temps pour s’empêcher de trébucher dans le sable, se morigénant de ne pas avoir fait davantage attention. Le désert continuait à n’en plus finir, en une longue succession de dunes. La jeune femme ne se laissa cependant pas aller au découragement. Le Colosseum était synonyme de nouveau départ, pour elle. Elle n’allait pas donc céder à la première difficulté. Car si elle se laissait abattre maintenant, qu’en serait-il pour la suite, quand la compétition aurait réellement commencé ? Elle s’effondrerait, ne tiendrait pas ; et cela, elle s’y refusait. Plus maintenant. Elle ne voulait plus douter. Car doute était chez elle souvent facteur de peur paralysante, qui l’empêcherait d’avancer. Se tournant ensuite légèrement vers la gauche, elle aperçut une tâche bleue à l’horizon. La blonde sentit le soulagement l’envahir. Ça ne pouvait être que le bassin océanique qu’elle cherchait depuis tout à l’heure. Elle se pardonnait son errance antérieure, ne connaissant pas encore les lieux.

Une fois arrivée sur les berges du bassin, elle s’assit quelques instants, histoire de récupérer et de boire une nouvelle gorgée d’eau. Avant de se relever d’un coup, entendant un bruit. Anya retint un sourire en coin. Un pokémon sauvage venait de faire son apparition.

Lentement, gracieusement, un Lokhlass émergea des eaux. Majestueux, fier. C’était véritablement une magnifique bête. Mais la blonde considéra sans émotion la bête fabuleuse. Tout aussi rare que le pokémon fût, il n’avait pas sa place dans son équipe. Il fut une époque, pas si lointaine pourtant, où elle l’aurait capturé sans hésiter, simplement à cause de sa rareté. Cela lui était arrivé quelques fois de vouloir intégrer un pokémon dans son équipe pour cette raison. Mais plus maintenant. Le temps avait passé, elle avait mûri. Et surtout, le Colosseum ne se prêtait pas à ce genre de gamineries. Ici on parlait stratégie et équipes conçues pour infliger une défaite cuisante à son adversaire. On ne recherchait pas les pokémons pour leur rareté mais pour leurs capacités. En l’occurrence, le type Eau/Glace de Lokhlass ne l’intéressait pas. Enfin plutôt, le double type si, mais pas avec ce pokémon. Dommage pour le monstre aquatique présent devant ses yeux. Ne voulant pas gaspiller les forces de son équipe, elle décida de simplement de le laisser fuir. Le Lokhlass finirait bien par se lasser de la voir immobile face à lui, sans qu’elle envoie un pokémon ou une pokéball pour tenter de le capturer. Visiblement de nature curieuse, il s’attarda quelque peu, regardant autour de lui, admirant les dunes, puis posant son regard liquide sur la jeune femme. Une certaine perplexité se dégageait de son comportement. Puis, décidant visiblement qu’il n’allait pas s’attarder ici, il replongea, avec autant de majesté qu’il avait émergé.

Eh bien, pour une première rencontre avec un pokémon sauvage, ce n’était pas si mal. Elle qui pensait tomber sur un pokémon commun et peu intéressant, devait s’estimer plutôt satisfaite de cette première apparition. Elle n’aurait pas pensé tomber sur un pokémon si rare ici. Cela lui semblait de bon augure pour la suite. Mais plus probablement s’agissait-il d’un immense coup de chance, qui ne se reproduirait pas de sitôt. Elle verrait bien ce qu’il en était par la suite...ou plutôt maintenant, puisqu’une nouvelle silhouette sombre se profilait sous les remous provoqués par le grand pokémon aquatique.

Qu’est-ce que. C’était. Que. Ça. Si c’était une plaisanterie, c’était de très mauvais goût. Comme pour compenser le pokémon précédemment rencontré, voilà qu’elle était désormais face à face avec un des pokémons les plus communs et les plus faibles qu’on pouvait trouver à Hoenn. A savoir Goélise. Encore, s’il avait eu une évolution intéressante, elle aurait pu considérer l’éventualité de le capturer, mais là...Ce n’était juste pas possible. Pas un pokémon aussi faible. Et comme pour la narguer, le pokémon oiseau plongeait et replongeait dans le bassin à la recherche de nourriture. Anya sentit ses sourcils se froncer. Qu’il fiche vite le camp, c’était tout ce qu’elle demandait. C’aurait été indigne de ses pokémons de se battre contre cette chose. Le combat aurait été inintéressant, ennuyeux à mourir. Là aussi, elle ne voulait pas gaspiller son temps et son énergie à battre cette chose. Sans façon.

Attrapant son sac, la dresseuse se remit en marche. Peut-être qu’en allant ailleurs, elle tomberait sur un pokémon plus intéressant que l’oiseau bleu et blanc. De toute façon, il était difficile de faire pire. Coquiperl, à la limite. Mais sinon, elle ne voyait pas quelle autre erreur de la nature elle pourrait croiser. Le pire étant que cette chose la suivit. Chaque fois qu’elle tournait la tête vers le bassin, elle voyait le Goélise se rapprocher. Une fois. Deux fois. Trois fois. Elle perdit une sérénité difficilement acquise.

« Fiche le camp d’ici, sale piaf ! » s’exclama-t-elle en faisant des grands gestes des bras pour l’effrayer et le faire fuir. L’efficacité de cette technique fut immédiate, le Goélise reprit de l’altitude, non sans lui lancer un regard peu amène. Mais elle n’en avait cure. Elle ne voulait pas un pokémon aussi faible dans son équipe, qui tomberait en un rien de temps. De quoi aurait-elle l’air ? Elle voulait bien admettre qu’utiliser des pokémons éminemment connus pour être puissants n’était pas forcément intéressant, qu’il fallait savoir mettre en valeur le potentiel d’un pokémon - ce qu’elle avait fait notamment avec sa Kokiyas-, mais sa bonne volonté avait clairement des limites. Pas cette chose.

Il ne restait plus qu’à attendre un nouveau pokémon sauvage, maintenant.

Elle se résigna à attendre, assise sur la berge, profitant de la fraîcheur relative apportée par l’étendue liquide. Ôtant ses chaussures et ses chaussettes et remontant les jambes de son pantalon, la blonde mit quelques instants les pieds dans l’eau et ferma les yeux. C’était agréable. Elle se sentit bien plus détendue, la contrariété d’avoir rencontré ce maudit oiseau s’évaporant progressivement. Prenant ses genoux entre ses bras, elle réfléchit. Elle réfléchit à beaucoup de choses. A combien sa vie avait changé ces derniers temps, à ses stratégies, et même – elle eut de la peine à le croire-, à sa famille restée à Frimapic. A son demi-frère enfin, qui travaillait dans un laboratoire de Hoenn. N’ayant pas eu la possibilité de l’appeler depuis quelques jours avec ses préparatifs de départ,elle espérait qu’il allait bien. Surtout qu’elle-même avait fortement conscience d’être une privilégiée. A l’AR d’abord, puis au Colosseum, on ne manquait de rien. Elle savait même que les dirigeants du complexe fourniraient les CT et les pierres d’évolution, c’était dire. Mais dehors, la vie n’était pas aussi simple. Et encore Sinnoh s’en tirait relativement mieux que Kantô et Johto. Pour combien de temps, ça, elle aimerait bien le savoir..Mais ce n’était plus de son ressort. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était donner son maximum ici pour remporter des combats. Rien de plus. Rien de moins, non plus.

Parlez du loup, vous en voyez la queue. Elle qui pensait ne pas pouvoir tomber sur pire que Goélise découvrait qu’elle s’était trompée lourdement. Et encore, le mot était faible. Comme cette ridicule coquille également originaire de la région Hoenn. Coquiperl.
Pourquoi. Juste. Pourquoi. Était-elle maudite ? Un mauvais karma peut-être ? Un excès de malchance ? Une punition pour n’avoir pas saisi sa chance de capturer le Lokhlass de tout à l’heure ? Levant les yeux au ciel, elle soupira. Et attendit à nouveau que le pokémon sauvage décide de partir. Eh bien, au moins cette expédition lui aurait permis de travailler une qualité importante chez un dresseur. La patience..

Ah quand même. Voilà quelque chose d’un peu plus intéressant. Un Sancoki, pokémon originaire de Sinnoh, comme elle. Celui-là étant rose, elle en déduisait qu’ il appartenait au type de Sancoki que l’on trouvait à l’ouest de Sinnoh ; à l’est, l’on trouvait des spécimens bleus, et légèrement différent dans leurs morphologie. Une vague de nostalgie l’envahissant, Anya secoua la tête. Ce n’était pas le moment de faire dans le sentimentalisme. Pas elle. IL fallait uniquement regarder ses capacités. Sans que celles-ci soient mirobolantes, elles n’étaient pas non plus mauvaises, à part sa vitesse qui était exécrable. Donc cela lui faisait déjà un point très négatif. Deuxième étape, examiner ses types. Sancoki était de type Eau, évidemment, mais évoluait par la suite Tritosor, qui lui possédait le double type Eau/Sol. Soit celui de Flobio. Donc non. Flobio avait déjà une faiblesse béante à la plante, inutile d’avoir un autre pokémon dans ce cas, même si Funécire pouvait raisonnablement pallier cette faiblesse. Et encore. Un type Eau/Plante tel Nénupiot et ses évolutions risquait de lui poser certains problèmes par la suite. Il lui faudrait un type vol, insecte ou poison pour qu’elle puisse s’en débarrasser. Enfin, elle verrait bien. Pour le moment, elle voulait simplement finir cette expédition au bassin. Et pas les mains vides, de préférence.

La jeune femme eut un nouveau soupir. Peut-être avait-elle choisir de s’intéresser à des pokémons trop difficiles à obtenir pour sa première capture. Pour le moment, elle en avait trois en tête. Aucun des trois n’était réputé pour son caractère commun, bien au contraire. Mais Anya avait toujours eu ce côté ambitieux. Elle arriverait à capturer les pokémons qu’elle désirait. Il lui fallait juste un peu de temps. Elle avait encore quelques chances de trouver ce qu’elle cherchait ; la matinée n’était pas encore finie, après tout.

Eh bien voilà ! Enfin un adversaire un tant soit peu plus intéressant que les pokémons sur lesquels elle était tombée récemment : un Carvanha, pokémon Eau /Ténèbres légèrement agressif. Légèrement. C’était autre chose que le Sancoki flegmatique de tout à l’heure, qui la regardait d’un air stupide. Cela ne voulait néanmoins pas dire qu’elle voulait le capturer – pas du tout. Mais celui-là ferait un exutoire parfait pour sa frustration de ne pas trouver ce qu’elle désirait. Elle pouvait raisonnablement l’affronter sans se sentir humiliée par la suite.

Plongeant la main dans son sac, elle en tira une pokéball, qu’elle considéra un moment. Elle contenait le seul pokémon qu’elle avait gardé de son ancienne équipe de l’AR, pourtant bien fournie. Flobio, l’élément central, le pilier de l’équipe. Celui avec lequel elle avait commencé ses années de Master. Leurs débuts avaient été difficiles, tous les deux faisant preuve d’une excessive confiance en eux, ce qui avait conduit à quelques déconvenues. Mais par la suite, leur travail avait été récompensé. Ils se comprenaient parfaitement bien, le Poissonboue anticipant même ses ordres. Bizarrement, il n’avait pas souhaité évoluer à l’AR. Comme s’il voulait réserver ses forces pour la suite. Elle pouvait donc espérer que c’était ici qu’il se transformerait en Laggron. Néanmoins, elle n’avait pas souhaité reprendre sa Luxray. L’envie était là, pourtant, surtout qu’elle s’était révélé une coéquipière redoutable. Mais stratégiquement, cela n’aurait pas été intéressant. La faiblesse de Flobio étant la plante, Luxray n’aurait pas été très utile avec son type électrique. Kokiyas, à la limite, aurait pu être un bon choix, puisque ce pokémon prenait le type glace sous sa forme de Crustabri. Elle avait longuement hésité. Jusqu’à ce qu’elle reçoive un paquet venant de son demi-frère, contenant un Funécire, de type Feu et Spectre. Partant de là, la messe était dite ; elle l’avait donc pris avec elle au Colosseum.

Plusieurs attaques Tir de Boue plus tard, le Carvanha était KO ; elle félicita Flobio, toujours aussi précis, puissant et efficace dans ses attaques. Mais déjà un nouvel ennemi se présentait, attiré par le bruit du combat.

Blasée. Anya se sentait juste blasée. Maintenant, c’était un Wailmer qui apparaissait. Un Wailmer. Une baleine également originaire d’Hoenn. Ce n’était décidément pas sa journée. C’était le sixième pokémon qu’elle croisait aujourd’hui, et pas un seul n’avait trouvé grâce à ses yeux. Enfin, elle n’avait rien à se reprocher. Elle n’y pouvait rien si seuls des pokémons inintéressants avaient décidé de pointer leur nez à la surface du bassin. Ce qui ne l’empêcherait pas de revenir, encore et encore, jusqu’à trouver ce qu’elle cherchait. Elle ne lâcherait pas l’affaire aussi facilement.

Un nouveau soupir lassé lui échappa. Elle ne se sentait même pas le cœur de combattre cette baleine. L’impression de perdre son temps était bien là. Elle attendrait encore un pokémon, puis, si ce n’était pas un de ceux qu’elle cherchait, s’en irait simplement. Sa patience, si étendue fût-elle, avait des limites ; et il serait plus utile pour elle et ses pokémons d’aller s’entraîner plutôt de courir indéfiniment le pokémon sauvage. Vaguement intéressée, elle suivit les évolutions du Wailmer jouant à la surface de l’eau, jusqu’à ce qu’il replonge dans les profondeurs du bassin. Lui au moins avait semblé s’amuser – d’autant plus que le combat contre le Carvanha n’avait pas été assez long pour présenter un réel challenge.

Alors elle se rassit à nouveau, prête à patienter le temps qu’il faudrait. Flobio, à son côté, semblait autant s’ennuyer qu’elle. Comme il demandait du regard la permission d’entrer dans le bassin pour s’y rafraîchir, elle lui fit signe d’y aller. Autant qu’il se détende tant qu’il le pouvait, car cet après-midi, l’entraînement les attendait. Elle voulait voir ce dont était capable sa dernière acquisition, n’ayant pas encore eu l’occasion de faire combattre Funécire. A coup sûr, cela serait plus distrayant que de voir un défilé de pokémons sauvages plus ou moins rares, mais surtout faibles.

Un bruit lui annonçant l’arrivée d’un pokémon sauvage, elle releva vaguement la tête. En espérant, cette fois, que ce soit quelque chose d’intéressant.

Un Ecrapince. Encore mieux. Alors, là, c’était le bouquet. Anya ne perdit même pas son temps à détailler le pokémon, elle n’en avait pas besoin ; elle savait pertinemment que ce n’était pas un des pokémons qu’elle cherchait. Donc il était complètement inutile. Tellement inutile qu’elle eut un regard navré pour le pokémon aquatique. Là aussi, elle ne voulait pas perdre son temps à le combattre. Aussi rappela-t-elle Flobio dans sa pokéball, et se prépara-t-elle à repartir en direction du Colosseum. Cette première expédition lui laissait un goût amer d’échec, alors même qu’elle savait qu’elle n’y était strictement pour rien, que l’apparition de pokémon ne dépendait que de la chance pure, soit un facteur indépendant de l’action humaine.

Le retour lui parut…assez long. Elle ruminait ce qui s’était passé pendant cette expédition. Ce qui aurait pu être, aussi. Finalement, elle aurait peut-être dû attraper Lohklass, pour ne pas rentrer bredouille et sauver la face. A terme, peut-être aurait-elle pu lui trouver une utilité quelconque. Peut-être. Avec des si, on pouvait refaire le monde. Elle se morigéna mentalement. Etait-elle donc encore une enfant, pour se laisser aller à pareilles fantaisies ? Visiblement, certaines choses ne changeaient pas. Enfin, il fallait se reprendre. Ce n’était qu’une petite contrariété. Ce ne serait pas la première, ni la dernière. Alors autant réapprendre à encaisser ce genre de problèmes de la façon la plus stoïque possible. Le cœur de glace battant de nouveau dans sa poitrine, Anya releva fièrement la tête et allongea ses foulées. Occasionnellement elle croisa des pokémons sauvages indignés par l’apparition d’un être humain sur leur territoire, mais ne leur accorda pas le moindre regard ; ils ne méritaient pas son attention. Marcheuse infatigable, elle poursuivit son avancée en ne s’arrêtant que quelques brefs instants pour reprendre une gorgée d’eau. La déshydratation n’était pas à son programme…

Il était presque midi lorsqu’ elle atteignit la lisière du désert. Comme prévu, un véhicule conduit par un employé du Colosseum l’attendait. Grimpant silencieusement dans le dit-véhicule, elle lui fit ensuite signe de repartir.